Déclassement du pays, un sentiment partagé…

La peur est un moteur de l’Histoire. Elle coagule ou disloque les sociétés ; elle est tout autant un principe de leur organisation que de leur désorganisation.Les crises sont partout, s’accumulant, se superposant, se diversifiant, cohabitant et suscitent cette impression « d’une crise sans fin ». Le lexique prédominant (sanitaire, migratoire, climatique, sociale, économique, effondrement, disparition…) témoigne de cette persistance grandissante. Les crises structurent les représentations de l’avenir. Ce rapport aux menaces constitue un facteur clé de compréhension des mouvements de l’opinion et des relations de celles-ci au politique.

Opportunément, une récente étude de « la revue politique et parlementaire » a interrogé les Français, non seulement sur leurs perceptions de l’évolution du pays, mais également sur l’expression de leurs craintes et la hiérarchisation de celles-ci.

Cette photographie à six mois de la présidentielle révèle dans l’opinion un cocktail de pessimisme partagé, de peurs hétéroclites et d’attentes assez explicites quant aux réponses à apporter.

Le constat est sans surprise pour ce qui est d’un fondamental qui nourrit l’espace public depuis plusieurs années. Le sentiment est au déclin pour 61% de nos compatriotes. Se dessinent, à partir de là, des motifs contrastés de l’inquiétude. Parmi les nombreuses zones de risque qu’identifient les Français, trois ressortent prioritairement : le dérèglement climatique, le problème de la délinquance et la poussée migratoire.

La cartographie de ces risques, tels que l’opinion les restitue, contribue à esquisser une sociologie des mentalités de notre époque : elle certifie un niveau exceptionnel d’anxiétés qui s’accompagne d’un ressenti de « tiers-mondialisation », d’un pays qui ne serait plus en mesure de tenir son rang. A la menace globale, planétaire (le réchauffement climatique), se greffent d’autres menaces, endogènes, qui s’indexent sur la perception du déclassement. Il se dégage une particularité française dans la traumatologie mondiale, une blessure nationale qui demande à être cautérisée.

Et le troisième enseignement de cette enquête est à rechercher du côté des attentes. A la question des acteurs vers lesquels se porter face aux risques, 72% des Français estiment avoir plus confiance en eux-mêmes et en leurs proches qu’en l’Etat et les autorités publiques (…). Le témoignage brutal de cette défiance n’est que l’une des multiples figures de la crise historique du politique en France, précipitant la société dans une vision individualiste à outrance. Au sens de la cité, se substitue dorénavant un réflexe survivaliste, témoin de l’impuissance des gouvernants à agir et du retour à des formes premières, presque tribales d’organisation…

La campagne présidentielle est le moment où les principaux problèmes du pays doivent être soulevés et traités par le politique. Le maintien du lien social et la confiance en l’Etat en dépendent. Si le discours des candidats ne peut se réduire à la somme de toutes les peurs, celles-ci forment, de toute évidence, le cadre pour toute offre politique réaliste.

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